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Texte de Philippe Constantin écrit pour l’exposition «Faits divers» à la S.I.P (1994)

«On peut bien dans le noir
Allumer la bougie
Et s’asseoir auprès d’elle Sur la table posée
Pour le très grand plaisir
De regarder la flamme» Guilevic

L’écriture détaille parfois le signe, offrant au trait des mots qui se déposent dans nos pas.

Leur empreinte en multiplie le sens. On ne peut ainsi se perdre en nul paysage sans entendre une musique nous accompagner, car le mouvement est en lui. Il nous conduit à nous rencontrer, recomposant le rythme de la mémoire, fragmentant la lumière, comme pour courber sous elle la matière noble des transhumances.

On ne sais d’où la mémoire nous est alors faite en don, mais on la pressent comme cet espace privilégié du repos où nait la calligraphie de nos chemins à venir. C’est un lieu de résonnance, à l’écoute de son corps, destiné à nous y inscrire plus volatiles et plus fermement aussi, au fur à mesure que nous la remodelons ou la façonnons à l’image de ce corps transparent. Je l’ai reconnue vivante, organique, participant pleinement à la nature, ou nature elle-même, qui s’organisait, ajoutant à la toile de son paysage l’épiderme par lequel elle se lie et respire.

Ici le temps aussi est venu jouer de sa subjectivité pour amplifier l’espace. Ombre et mémoire. Temps et vent. Il nous laisse libres de cette étendue, ne répondant au chaos ni à la genèse, mais voué plutôt à l’exégèse de sa propre partition, où frémissent à ses lèvres les signes qui nous dévoilent. On y découvre, non pas notre ignorance, mais ce qu’on ignorait de nous-mêmes. On n’y invente pas, car le support, par le jeu de son écriture polymorphe, nous suspend à nos constructions et disparaît sur ses chemins. Mais on y retrouve, par contre, notre connaissance insigne et modeste de la vue.

L’œil éclot en nous à chaque pas nouveau, comme ces paysages déhiscents allient en eux la mémoire et la sensibilité jusqu’à notre maturité, renaissante sans cesse, parce qu’elle ne peut jamais que s’enrichir de cet espace intérieur et son œil redécouvert. / P. Constantin-K.